Un article de Luc Caron, PDG et Conseiller en management certifié
Des occasions d’échanges informels qui sont précieux
On pense souvent qu’une planification stratégique s’avère une activité pénible, qui exige du temps et qui risque de ne pas se réaliser complètement, comme prévu. Surtout si on ne réunit pas les conditions de succès. Quoi qu’il en soit, elle peut avoir un impact à court terme sur les relations, le climat, la motivation et même la productivité.
Dans cet article nous souhaitons aborder plus spécifiquement la communication basée sur les relations informelles et formelles, et rappeler leur importance dans l’organisation. Les relations informelles restent souvent négligées à la suite de la pandémie et avec la place grandissante des technologies dans nos échanges. Notre expérience en planification stratégique nous a permis de constater comment les échanges informels demeurent précieux et profitables.
Retrouver l’équilibre idéal entre le formel et l’informel !
Dans un monde imprévisible nous avons besoin de prendre du recul et d’échanger plus que jamais pour être plus agile. Or, depuis la pandémie, une partie de la convivialité de l’entreprise et de ses interactions informelles précieuses ont disparu ou sont devenues moins naturelles. Pensons par exemple aux cinq à sept ou aux rencontres fortuites lors des pause-café ou à la photocopieuse. Ce sont de nouveaux défis pour les managers en termes de cohésion, de management et surtout de communication. Elle constitue pourtant un moyen indispensable de transmettre l’information entre plusieurs acteurs et sur différents niveaux hiérarchiques tant à l’interne qu’à l’externe. Mais entre la communication formelle ou informelle, comment trouver le bon dosage ou la fréquence idéale ?
Différences entre le formel et l’informel
Les relations informelles [1]se définissent comme l’ensemble des interactions dans un cadre non officiel. Elle constituent des moments de discussions libres réalisées entre salariés de façon très spontanée et non contrôlée. Des moments où les personnes se sentent plus à l’aise d’exprimer leurs opinions, et parfois même d’exprimer des doutes ou des critiques concernant un aspect du travail ou de leur vie au travail.
Selon les recherches du sociologue George Elton Mayo menées sur l’effet Hawthorne[2], « ce n’est pas l’amélioration des conditions objectives de travail qui améliorent la productivité, mais bien l’intérêt donné à la relation humaine qui permet l’accroissement de la productivité… ». Voilà qui démontre l’importance des relations au travail.
Certes, les communications basées sur les relations informelles sont imprévisibles et ne devraient pas être contrôlées et vérifiées par la direction. Car les échanges informels donnent la chance au personnel de sortir du cadre officiel. Elles contribuent aussi à sa motivation et son engagement. Lorsque les dirigeants les encouragent, elles favorisent : la cohésion, la convivialité au travail, l’harmonie dans l’équipe, le sentiment d’appartenance, donc la productivité des employés.
Les avantages de l’informel
Elle comporte aussi plusieurs avantages dans les relations entre les supérieurs et les subordonnés. La souplesse dans l’informel encourage les échanges transparents et démocratiques, tout en contribuant à résoudre les problèmes complexes en amont, ou même de les estomper plus rapidement. Cette logique a été étudiée par l’auteur Philip Selznick dans son ouvrage : Structure humaine[3] Ses recherches ont révélé que les relations informelles étroites sont une conséquence imprévue de la décentralisation et de la délégation d’autorité[4].
Les relations informelles complètent aussi les relations formelles, dans la mesure où celles-ci permettent de clarifier, redéfinir et confirmer ce qui a été exprimé dans un cadre formel. Dans la mesure où les échanges sont constructifs. En effet, lorsque le climat est négatif, l’informel peut aussi contribuer à alimenter des conflits ou des tensions. Donc, l’informel n’est pas nécessairement gage de productivité. Raison pour laquelle, il faut savoir trouver l’équilibre entre le formel et l’informel, et rester vigilant lorsque l’informel semble prendre une tournure négative. Pour ces raisons, plusieurs grandes organisations appuient de façon importante les activités sociales et permettent à des employés de prendre du temps de travail pour structurer cet aspect de la vie au travail.
Il ne faut toutefois pas oublier ou négliger les échanges formels, qui sont une partie intégrante de la culture organisationnelle essentielle à son fonctionnement. Pensons aux assemblées annuelles, aux rencontres de planification hebdomadaires ou mensuelles, aux rencontres d’information, etc. Elles permettent de rassembler et de transmettre les informations officielles et de s’assurer que tout le monde reçoit bien le même message.
L’équilibre idéal varie selon la taille de l’entreprise, sa culture, sa structure, et le contexte
Dans les grandes organisations, où la chaine de commandement est éclatée et le contrôle est plutôt centré sur le rendement, il est plus difficile de trouver le juste équilibre. Les échanges informels entre employés d’unités différentes risquent d’être moins fréquents ou encouragés.
Face à ce défi, la planification stratégique est une occasion de favoriser des échanges qui n’auraient pas lieu normalement entre les différents niveaux hiérarchiques ou les différentes unités d’une organisation. En permettant de consulter différents intervenants à l’interne et à l’externe, elle permet le partage de situations vécues, et de discuter d’enjeux qui n’auraient pas été nécessairement exprimés lors de rencontres de travail régulières. Cela exige la confiance, la transparence et l’ouverture des leaders.
Dans certaines grandes organisations, comme dans le milieu gouvernemental, municipal ou bancaire, les relations informelles seront souvent source de résistance pour des raisons de la confidentialité ou par crainte de dilution du processus du contrôle interne. La volonté de ces organisations d’assurer la prédominance de la structure formelle peut même engendrer un cercle vicieux dans lequel les gestionnaires multiplient la règlementation pour limiter les zones d’incertitude. On pourra se référer aux recherches de Michel Crozier dans son ouvrage : Cercle vicieux bureaucratique[5].
Ce que nous avons observé dans nos rencontres de réflexion stratégique
Lors de plusieurs mandats effectué par notre équipe nous avons souvent constaté le besoin des employés d’avoir une vision commune des priorités et de s’exprimer leur perception, leur vécu. Nous avons également constaté que les vrais enjeux organisationnels deviennent plus faciles à nommer et à discuter. Surtout quand l’échange informel est autorisé et stimulé par la présence d’un intervenant ou modérateur externe neutre, par rapport aux enjeux soulevés[6]
Bref, notre expérience et nos réflexions sur les échanges formels et informels démontrent l’impact des relations informelles sur le bien-être et la motivation du personnel. Par ailleurs, une planification stratégique, bien qu’il s’agisse d’un processus formel, offre des occasions d’échange informels précieux, qui peuvent contribuer à mobiliser le personnel, améliorer le climat, et même résoudre des conflits qui peuvent nuire au bon fonctionnement d’une équipe et la performance d’une organisation. Pour en savoir davantage, consulter notre page de services en Planification stratégique.
[1] Communication informelle en entreprise : quid de son impact sur le travail ? | Maika-Rédaction : des textes sur mesure à prix tout doux (maika-redaction.com)
[2] La dimension informelle des organisations- Nurbakhsh Amir (La dimension informelle des organisations – YouTube)
Gérer & Comprendre n° 135 – Mars 2019 (annales.org)
[3] Philip. Selznick dans son ouvrage : Structure humaine
[4] Recherches sur TVA (Tennessee Valley Authority) une agence de développent économique régional aux États-Unis
[5] Le phénomène bureaucratique selon Michel Crozier | 1000 idées de culture générale (1000idcg.com) La dimension informelle des organisations – YouTube